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 La véritable origine:
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Il est de tradition de faire remonter les origines de la Confrérie à l'année 1188, donnant à cette antique association une spécificité particulière:celle d'avoir transportés et inhumés tous les défunts de Beuvry, sans discontinuité, pendant plus de huit siècles! Cette coutume a progressivement donné naissance à la légende de Germon et de Gauthier. Cette légende, souvent reprise ,a malencontreusement fait naître des soupçons chez les historiens locaux qui ont fini par établir un parallèle entre cette belle "histoire de Germon-Gauthier" et l'histoire des trouvères Norman et Ythier qui luttèrent en 1105 contre l'épidémie nommée "Mal-des-Ardents" qui ravageait Arras. Or, il n'en est rien!

Le parallèle entre les deux histoires est facilement controversé par les faits réels. Pour bien comprendre l'histoire, il est nécessaire de remonter beaucoup plus loin dans le temps, c'est-à-dire jusqu'au VIIe siècle, à l'époque d’Eloi, maître-orfèbre, grand conseiller royal du Roi Dagobert 1er, et futur évêque de Noyon et de Tournai.

Eloi, qui avait découvert la misère des "sans-abri",s'était dépouillé de ses vêtements, et avait pénétré dans le palais-Royal en sous-vêtements !! De ce jour, avec une petite équipe de volontaires, il va parcourir les rues le soir à la recherche des "oubliés".C'est à cette époque lointaine qu'il va créer "la table des pauvres", lointaine aïeule de nos organisations humanitaires contemporaines.


C'est au cours de ces recherches qu'un soir Eloi découvre un malheureux ayant rendu l'âme!

Est-il mort de faim...de froid...de maladie...de vieillesse, ou de solitude? Eloi ne perd pas son temps, il pense à l'âme du malheureux qui ne peut monter au ciel tant que son corps ne reposera pas dans la terre sainte d'un cimetière! (croyance ancienne, peut-être encore en vigueur dans l'esprit de certains de nos contemporains!).

Immédiatement, Eloi demande à ses deux camarades Gallebot et Vincent de l'aider à transporter le corps et à l'inhumer : les Charitables étaient nés ! Peu de temps après, Eloi découvre sur une place publique des condamnés de droit commun, exécutés ou suppliciés et abandonnés aux regards de la foule. Eloi, ému et choqué, en parle au Roi Dagobert et obtient de celui-ci un édit royal autorisant Eloi et ses compagnons à procéder sur tout le territoire à la récupération, au transport et à l'inhumation des corps. (Vita Eligii, par St-Ouen, 1e partie .§31 ; traduction Noyon 2002).

Ces enterrements se font déjà dans des conditions difficiles car les corps restent parfois plusieurs jours sur le lieu de leur supplice! Gallebot et Vincent s'inquiètent des conditions d'hygiène de ces inhumations, pour eux comme pour leur famille. La réponse d'Eloi va être directe et très prémonitoire:

" LE FLEAU N'APPROCHERA POINT DE VOUS ,NI MEME DE VOS DEMEURES! "

Si aujourd'hui les Confrères sont laïcs, force est de reconnaître que depuis plus de huit siècles, la sainte protection d'Eloi assure toujours la sauvegarde des Charitables et de leur famille! Quant à affirmer que Saint-Eloi n'a jamais eu de lien avec la peste, et qu'il n'est jamais apparu à qui que ce soit, c'est méconnaître profondément l'hagiographie de Saint-Eloi : après sa mort, Eloi va apparaître en songe à Aude, supérieure d'un important couvent parisien. de moniales vierges, pour lui annoncer qu'elle, et ses moniales, seront emportées par la peste dans l'année : un an plus tard, Sainte- Aude et ses moniales mourraient de la peste le 3 octobre 666. Ces faits historiques expliquent le patronage tutélaire de St-Eloi pour les Charitables. (Cf. Vita Eligii, d'après Dadon-St-Ouen, 1e partie. § 17 et 2e partie § 53-Ed.Noyon 2002).

Naissance de la confrérie


Au cours des siècles, de nombreuses maladies ont battu de tristes records dans la mortalité de nos communes : lèpre, malaria, typhus, peste, etc...Les conditions d'hygiène étaient rudimentaires, et la médecine inexistante. Toute la région présentait de grandes surfaces marécageuses aptes à favoriser l'éclosion de mouches, moustiques, rats, puces... mais la ville de Béthune, comprenant de nombreux marchés, voyait des commerçants vendre des marchandises provenant du Moyen-Orient par des bateaux en escale à Calais ou Boulogne : tapis, soie, épices, parfums...or ces bateaux ont toujours eu des rats dans leurs cales, rats qui portaient les puces, vecteurs de la peste, maladie latente au Moyen-Orient.

Etait-ce la peste, voire la peste noire, qui, en 1187, va étendre ses ravages sur ,notre région ? Difficile à affirmer, car, selon le Docteur Bourgeois, les registres des hôpitaux de Béthune ne signalent pas de peste en 1187 et1188. De même, il semble, d'après les divers récits, que le gros bétail ait été atteint, alors que la peste ne frappe que les petits animaux de basse-cour ? Par ailleurs, la lettre de Pierre de Nogent, datée du 26 Octobre 1317,(ce parchemin est classé aux Archives Départementales du Pas-de-Calais, à Dainville-62) ne parle pas de "peste" :

"Etablis une charité et une chandelle en mon nom, laquelle chandelle guérira les malades et les animaux atteints de la "maladie" que je puis guérir, pourvu qu'on m'accorde confiance".

Il est donc difficile d'affirmer le nom exact de cette maladie, et le Docteur Bourgeois avance qu'il faut être très prudent avec le mot "peste",car ce mot venant du latin " pestis " ne spécifie pas pour autant un microbe ou un virus particulier. Le terme "pestis" s'applique donc à toute maladie létale et contagieuse!

Nous sommes au Moyen-Age, sous le règne de Philippe-Auguste, le nord de la France et une partie de la Belgique actuelle dépendent des Comtes d'Artois, vassaux des Ducs de Bourgogne, alliés aux Anglais ... pour lutter contre le roi de France. La lettre de Pierre de Nogent se poursuit ainsi:

"Il y avait à Beuvry un fèvre (du latin "faber":forgeron) nommé Germon qui était un homme de très bon jugement. Il avait pour notre Saint une telle dévotion que, celui-ci lui apparaissant à plusieurs reprises en son sommeil lui suggéra la pensée et le désir d'aller parler au forgeron de St-pry, au faubourg de Béthune, nommé Waulthier (ou Gauthier), et de lui révéler ce que le béni confesseur Saint-Eloi lui disait au cours de ces visions."

Le 21 septembre 1188,la Confrérie des Charitables de St-Eloi de Beuvry était née, et se mettait à l’œuvre sans tarder. Germon avait sa forge à mi-chemin entre le centre de Beuvry et le hameau qui entourait la Prévôté de Gorre. La rue porte toujours son nom. A partir de cette date, Germon et tous les volontaires de Beuvry décidés à l'aider vont entreprendre d'enterrer tous les défunts, sans oublier le bétail que l'on enterre sur place. Beuvry est une grande Commune, et il faut porter les défunts à l'Eglise et au cimetière;or, quelque soit le temps, l'habitation la plus écartée de l'Eglise se trouve à 7 kilomètres !! Certains défunts sont morts depuis plusieurs jours, abandonnés de tous ! Les Charitables sans masque et sans gants, mettent des feuilles de choux dans leurs mains, et roulent les corps dans de
la paille.(si les Charitables portent toujours des gants, c'est pour faire mémoire des feuilles de choux).

Le cortège funèbre s'organise vite, car il est nécessaire d'éradiquer rapidement la contagion. Deux règles de l'époque sont à respecter impérativement dans tout le Nord de la France :

-a) la population doit être avertie du passage du convoi pour se mettre à l'abri et fermer portes et fenêtres. Un confrère, appelé "massier" doit taper le sol avec une "masse",canne très lourde, donc bruyante, mais qui s'est vite révélée trop silencieuse, et la masse fut remplacée par une cloche que le massier faisait tinter tout au long du parcours.

-b) les Charitables ayant touché les corps contagieux doivent se signaler en permanence au public qu'ils côtoient. Un édit leur impose de porter tout le temps une " blanche vergue ", c'est-à-dire une baguette blanche, faite en bois de coudrier écorcé pour paraître encore plus blanche. Lorsque les Charitables constateront enfin que l'épidémie est terminée, ils surmonteront, en signe de victoire, leur baguette d'un petit bouquet composé de buis, de thym et de quelques fleurs. (le buis est celui béni aux Rameaux ; le thym, plante médicinale pour écarter les microbes ; les fleurs pour dissiper les odeurs).

Historiquement, Beuvry ne commence à être connue par sa Prévôté de Gorre, proche de la forge de Germon, c'est-à-dire seulement à partir de 1135.La création de la Confrérie va attirer beaucoup de pélerins, car Germon et Gaulthier ont construit la toute première Chapelle à Beuvry, au lieu de leur rencontre ; cette Chapelle, construite au lieu-dit "Quinty", va devenir un lieu sacré, construite près d'un puits artésien, et appelée "source de Quinty" où les pèlerins iront s'abreuver, tout en croquant les navets prélevés dans les champs voisins:

« Ce ne furent plus seulement les fidèles des alentours de Beuvry qui s'enrôlèrent dans la Confrérie de Saint-Eloi. Il s'en présenta de France, d'Angleterre, d'Italie et d'Allemagne, aussi bien que d'Espagne et des Pays-Bas. Pour ne citer qu'un exemple, les actes mémoriaux font foi que, durant une partie de l'année 1669 et les deux années précédentes, l'on a inscrit sur les registres de la Confrérie plus de 55 mille associés nouveaux. On y voit figurer, non seulement des moines et des prêtres, mais des dignitaires religieux ou ecclésiastiques de tout grade et jusqu'à des évêques; on y compte non-seulement des artisans et des bourgeois, mais des nobles de tout titre et jusqu'à des princes »

(Extrait du "Manuel de la Confrérie de Saint-Eloi de Beuvry" -Chap.II.page 22.Edit.du 22/10/1859). "

 

Les reconnaissances


Le Clergé va très vite accorder des indulgences aux Confréries, déjà reconnues et admises par tous les habitants :

-1317 : Lettre dite de "Pierre de Nogent",
-1330 : André de Florence, évêque d'Arras, promulgue des indulgences à ceux qui viennent prier à la Chapelle de Quinty,
-14l7 : Martin Poré, évêque d'Arras, renouvelle les indulgences et reconnaît canoniquement la Confrérie de Beuvry. –1584 : Bulle du Pape Grégoire XIII,(nouvelles indulgences) -1596:Mathieu Moullart, évêque d'Arras, confirme les indulgences accordées par le Pape Clément VIII aux Charitables de Beuvry.
-1637 : Bulle du Pape Urbain VIII,
-1676 : Bulle du Pape Innocent XI,
-1767 : Bulle du Pape Clément XIII,
-1804 : Monseigneur de la Tour d'Auvergne-Lauragais, évêque d'Arras, restaure la Confrérie de Beuvry, dissoute sous la Révolution. (Une partie de ces documents, rédigés en latin, sont conservés aux Archives Départementales du Pas-de-Calais, à Dainville.)
-1859 : Nouvelles indulgences du Pape Pie IX, (par un rescrit du 12 janvier 1859)
-1988 : Bénédiction apostolique particulière du Pape Jean-Paul II(pour le 8° centenaire).

C'est dans cette reconnaissance officielle que la Confrérie va suivre l'évolution des rites funéraires. Les Charitables, accompagnés d'un menuisier, vont une première fois bénir le corps du défunt, puis ils procèdent à sa toilette, et le prépare pour la mise en bière. Avant de placer les corps dans un cercueil les défunts indigents, et les pestiférés seront simplement roulés dans de la paille. Les gens normaux se feront draper dans un drap de lin (le linceul) (le lin est alors l'une des grandes cultures de Beuvry), et les gens fortunés, et les nobles se font placer dans des peaux soit de moutons ou de chèvres, soit mieux encore, dans des peaux de chevreuils ou de biches.

La deuxième visite permet d'apporter le cercueil et de procéder à la mise en bière ; enfin, au jour prévu pour l’enterrement, la troisième visite consiste en la levée de corps. C'est après 1670 que cette levée de corps, en l'absence d'un prêtre, pourra être réalisée par les Charitables qui auront reçu, à titre définitif, une autorisation spéciale, dont le symbole est représenté par le port d'un rabat bleu sous leur cravate.

 
Evolution à travers les siècles


En 1220, alors que l'Eglise St-Martin n'est encore qu'une petite église romane, entourée de son cimetière, Nicolas de Lens, Seigneur de Beuvry, fait construire un gros château-fort au bord de la Loisne. La Confrérie met à disposition du Curé-Doyen de Beuvry un Charitable qui assurera les travaux d'ensevelissement des corps : réaliser une fosse dans le cimetière et la reboucher après y avoir déposé le corps du défunt. Ce Charitable, qui n'aura pas de tenue de cérémonie, prendra le nom de "fossier". C'est dans ce premier cimetière que quelques emplacements seront réservés aux Charitables ; parmi ceux-ci: Germon, et tous ceux qui ont eu le courage et la foi pour le suivre !

En 1530, les travaux de la construction de l'Eglise actuelle vont entraîner un bouleversement partiel du cimetière, car l'Eglise gothique flamande de type "Halle-Kirke" est beaucoup plus vaste que la précédente.

La nouvelle église va voir la famille de Coupigny, seigneur de Belleforière, devenir les mécènes des Charitables de Beuvry. Ils vont financer la nef sud de l'Eglise afin de la consacrer à Saint-Eloi et à sa Confrèrie. Ils feront cadeau de l'autel, mais aussi du banc de la Confrérie, et si ils se réservent le droit de se faire inhumer dans le chœur de la Chapelle de Saint-Eloi, ils demandent que les Prévôts puissent être enterrés dans la nef, devant le banc de la Confrérie.

C'est Jean Malet de Coupigny et son épouse Jacqueline de Rouck qui assureront ces frais et iront jusqu'à offrir les garnitures de l'autel et les vitraux.

C'est son petit-fils Philippe de Coupigny, chevalier, et seigneur de Belleforière qui fera cadeau à la Confrérie de Beuvry du terrain où se trouvent la Source de Quinty et la première Chapelle de Quinty (parcelle n° G 53 du cadastre de 1850. Cette parcelle est construite et habitée aujourd'hui, et la source, un puits artésien, est tarie).

En 1792, à la Révolution, les Confréries sont interdites et dissoutes, les Chapelles des Charitables sont confisquées, estimées, vendues et détruites, tout ce qui est en or ou en argent va disparaître, et ce sera le cas de la châsse en argent contenant une relique de St-Eloi appelée le "Joyau de Monseigneur Eloy", ainsi que la Sainte-Chandelle!

En 1827, le Préfet du Pas-de-Calais publie un arrêté autorisant la construction d'une nouvelle Chapelle. La Confrérie, qui a poursuivi en cachette sa mission sans tenue de cérémonie, reprend son activité au grand jour, et change de tenue vestimentaire pour l'actuelle tenue.

Elle va aussi devoir refaire l'étui de sa Sainte-Chandelle, mais impossible de réinventer la relique de St-Eloi, hélas!! Quant à cette deuxième chapelle, elle n'est guère plus grande que la première, et en 1880,après achats de terrains, la chapelle est abattue pour permettre la construction de la Chapelle actuelle.

Après la guerre de 1870, le cimetière autour de l'Eglise est devenu insuffisant car la population de Beuvry s'est considérablement accrue avec l'exploitation des mines et ses annexes : la construction et la réparation des péniches, la production d'énergie électrique. Le cimetière va être transféré à l'emplacement qu'il occupe actuellement, car l'évêque d'Arras, qui en est le propriétaire, le donne au Curé-Doyen de Beuvry.

Mais un matin de 1890, en portant en terre un défunt, les charitables béats voient s'enfuir une colonie de rats qui retournent vers la décharge publique voisine. A cette époque, il n'y a pas de caveau, les corps sont inhumés en "pleine terre" et la présence des rats ne laisse aucun doute sur les dégâts qu'ils causent ! Les prévôts Jean-Marie Hennebelle et Emmanuel Bailleul réunissent la Confrérie et il est décidé de faire édifier un mur sur toute la partie haute du cimetière, sur des fondations épaisses et profondes pour éviter les galeries souterraines. Une pierre gravée est alors encastrée dans ce mur de briques. Le mur résistera aux deux guerres mondiales et il serait encore debout si une municipalité n'éprouve le besoin de le mettre par terre. La pierre récupérée par la Confrérie a été placée devant le nouveau mur. Quant à ce nouveau cimetière, un petit emplacement de 6 ou 8 places est réservé à la Confrérie.

 

L'époque contemporaine


Les tensions entre l'Etat et l'Eglise devenant de plus en plus critiques sous le couvert de la laïcité, la Confrérie de Beuvry va progressivement accroître son indépendance, et si 1904 voit la séparation de l'Eglise et de l'Etat, la Confrérie assiste à la main-mise de l'Etat sur tous les biens du Clergé : Eglise de Beuvry, cimetière, écoles, etc... et de ce fait, le mur du cimetière lui échappe, et tout ce qu'elle possède dans l'Eglise Saint-Martin. Mais il y a pire, l'Etat impose le "Monopole des Pompes Funèbres" !! Adieu, les Charitables !

En janvier 1904, le Mayeur DELELIS de la Confrérie de Beuvry rédige une longue lettre à l'un des sénateurs du Pas-de-Çalais, et la Confrérie peut poursuivre sa mission !

La première guerre mondiale va donner un coup de gomme effrayant à Beuvry, comme dans toute la région. Les Charitables mobilisés sont remplacés par des ainés, et pendant 3 ans, sous les divers bombardements, les Charitables continuent à enterrer les défunts, qu'ils soient civils ou militaires, Français, Anglais ou Allemands.

Mais en octobre 1917,la Russie fait sa révolution, et pour la réaliser, elle signe un armistice avec l'Allemagne, qui transfère ses troupes du front de l'est sur celui de l'ouest pour livrer la terrible bataille de la Lys. Les troupes britanniques prennent position dans Beuvry, et leurs tirs sont tellement efficaces que les Allemands se persuadent que le clocher de l'Eglise de Beuvry leur sert d'observatoire d'artillerie.

Malgré des renforts en artillerie, les tirs fauchent Beuvry, mais pas le clocher. C'est l'aviation allemande qui met le feu à la charpente de l'Eglise et tout brûle, sauf les murs en grès. Heureusement, les militaires britanniques ont fait évacuer la Commune, et, pendant 5 ou 6 mois, il n'y aura plus de Charitables pour les inhumations. Le retour au pays, après la victoire, est dur : il n'y a plus rien, même le cimetière a été retourné par les obus, mais le mur est debout, tout comme l'est la Chapelle de Quinty mais elle est très endommagée :charpente et toit à refaire, trous dans les murs, et un trou dans le sol : les soldats britanniques ont creusé un P.C. et un poste de premiers secours sous la Chapelle.
Progressivement, la reconstruction. va effacer ces moments dramatiques, et en 1924, en février, la Confrérie se déclare, en sous-préfecture, association conforme à la loi du l juillet 1901, avec publication au J.O. en mars 1924.
La Chapelle de Quinty réparée, une ordonnance de l'évêque d'Arras, Eugène JULIEN, rétablit le 1 septembre 1927,la neuvaine de Quinty.

Depuis 1904, la charge de fossier a théoriquement disparue, remplacée par celle du fossoyeur municipal, mais à Beuvry le Maire demande à la Confrérie de conserver la responsabilité de cet emploi, la Confrérie recevant de la Mairie l'argent nécessaire à la rémunération de cet employé.

Il semble que cette coopération, qui est réelle en 1931, ait perdurée jusqu'à la deuxième guerre mondiale.

En 1936-1938, la Confrérie de Beuvry fait cadeau des quatre grands vitraux entourant l'autel de Saint-Eloi (nef sud de l'Eglise St-Martin) et fait refaire le banc des Confrères. En l940, la Chapelle de Quinty perdra dans une bourrasque le haut de son clocher.

Ajoutons rapidement qu'en 1985, Monsieur Alain Poher, président du Sénat, et de la Société d'Encouragement Au Bien, remet à Paris la Couronne Civique de l'encouragement au bien, et, en 1988, il présidera la commémoration du Huitième Centenaire de la rencontre de Germon et Gauthier, dont les noms seront donnés au nouveau Centre Hospitalier, construit à Beuvry.

Enfin, la suppression du Monopole des Pompes Funèbres remet brutalement en cause la raison d'être des Charitables. C'est en s'appuyant sur un article du Code Général des Collectivités Territoriales que, la première de toutes, la Confrérie de Beuvry demandera à son Conseil Municipal l'autorisation de poursuivre sa mission multi séculaire. L'autorisation lui sera donnée le 23 juin 1997, et enregistrée en sous-préfecture le 2 juillet l997.

Les mystères des charitables


Aujourd'hui, tout homme de bonne moralité, soucieux de fuir l'égoïsme général ambiant, peut demander à devenir Charitable. Mais, même en ce début de troisième millénaire, diverses constatations peuvent dérouter les esprits les plus cartésiens :

a) la première méditation amène à chercher à comprendre comment, dans une commune aussi étendue, avec une population un peu dispersée, une telle mission et une telle tradition a pu traverser toutes les époques, les guerres, les révolutions et les épidémies. Commune surtout agricole, Beuvry a toujours eu une part d'artisanat non négligeable : rouissage du lin, exploitation de carrières, exploitation des tourbières, minoteries, brasserie, briqueteries, etc... Beaucoup de ces artisanats ont disparu, et l'agriculture a régressé ; les mines ont momentanément assuré la relève, mais les mines ont disparu, pas la Confrérie ! Alors...que ceux qui, à Beuvry, ont un peu de temps libre pour se dévouer pour les autres n'hésitent plus !

b) la deuxième méditation est plus difficile à formuler. Pendant des siècles, sur un simple brancard, les Charitables ont transporté les défunts avant de les inhumer, et il n'en reste rien. Les cimetières sont retournés lors des guerres ou même quand ils sont trop pleins...et rien n'est plus visible. A l'époque des bâtisseurs de cathédrales, d'autres hommes sur des brancards ont transporté de grosses pierres et leurs chefs-d'œuvre sont toujours là sous nos yeux. La mission des Charitables est-elle vaine ? Comment répondre à une telle question ? Pour les Croyants, une réponse peut être trouvée dans une des lectures de la cérémonie des obsèques:

"CE QUI SE VOIT EST EPHEMERE, SEUL CE QUI EST INVISIBLE EST ETERNEL !"

Sans souhaiter voir s'écrouler nos si belles cathédrales, nous retrouvons une affirmation similaire, bien que profane, dans le "Petit Prince" de Saint-Exupéry :

"ON NE VOIT BIEN QU'AVEC LE COEUR !"

A chacun d'interpréter suivant ses sentiments.

c) la troisième méditation a déjà été exprimée au début de ce texte et concerne l'étrange protection accordée par Saint-Eloi aussi bien à Gallebot et Vincent, qu'à Germon et Gauthier, qu'à tous ceux qui les ont aidés et à ceux qui leur ont succédé : la protection contre tout fléau, qui soit contagieux et létal.

Depuis Gallebot et Vincent, tous les écrits font mention de cette incroyable protection :

-En l709,le R.P. Antoine Deslions S.J. dans son « Histoire de l'institution de l'ancienne et miraculeuse Confrérie des Charitables de St-Eloi », chap.V, section 1:

Il semble que ce soit d'eux que parle l'Evangile de St-Marc : l6-V-28:

"Si mortiferum quid biberint, non eis nocebit"
(s'ils boivent le venin mortel, il ne leur nuira point)

-En l858,dans la notice de la Confrérie de St-Eloi de Beuvry :

"C'est une pieuse tradition que, dans les épidémies si nombreuses qui ont désolé Beuvry depuis l'année 1188, jamais un Charitable, remplaçant avec foi et vertu les fonctions de sa charge, n'a été victime du mal pestilentiel et n'a donné contagion à autrui".

- En 1882, l'historien Eugène Béghin, dans son "Histoire de la confrérie des Charitables" (page 28) : "La tradition rapporte que les habitants des maisons de Germon et de Gauthier ont été de tous temps préservés de la peste".

Pour tous, croyants ou non, les faits sont là, troublants, émouvants, mais évidents. Ce texte n'a pas pour but d'établir une thèse d'eschatologie, ou de tenter d'élaborer une thérapie nouvelle... à chacun son libre choix!
Afin de conclure, et devant l'impossibilité de résumer huit siècles d'histoire en cinq ou six pages, vous pouvez réfléchir sur ce texte extrait du "Manuel de la Confrérie de Saint-Eloi de Beuvry" (chap.II, page 22) du 21 octobre 1859 :

« La vertu qui a toujours été carme le cachet propre de cette confrérie, c'est la Charité envers les morts, et le zèle à les porter en leur dernier asile. Ni la distance des lieux, ni la difficulté des temps, ni les dangers de la contagion, ni la multiplicité des inhumations, n'ont jamais pu décourager ses membres !»

Beuvry, le 5 janvier 2004.
Michel GALLAS
secrétaire et historiographe des Charitables de Beuvry.

 

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